Pourquoi prendre le SAS en charge en cardiologie libérale ?
1. Le Syndrome d’Apnées du Sommeil, une comorbidité cardiovasculaire à dépister en cardiologie
La prise en charge globale d’un patient ayant une maladie cardiovasculaire implique la prise en compte des comorbidités. Le SAOS a été ajouté dans la liste des pathologies qui augmentent le risque de maladies cardiovasculaires dans les recommandations de prévention du risque cardiovasculaire de la société européenne de cardiologie (1).
Un questionnement clinique et une mise en place d’un dépistage doit être proposé de façon systématique en cardiologie. Ce dépistage peut prendre la forme d’un questionnement clinique auquel s’ajoute un dépistage objectif, ou la forme d’une prise en charge par un diagnostic et la mise en place thérapeutique, mais cela nécessite une formation adéquate.
Le dépistage par questionnement et questionnaire
Les signes évocateurs du SAS sont souvent peu spécifiques et relativement peu présents dans les pathologies cardiovasculaires. Dans l’Insuffisance Cardiaque, l’obésité, le ronflement et la somnolence, trois signes évocateurs majeurs du Syndrome d’Apnées Obstructives du Sommeil, sont très peu présents. En outre, des plaintes de fatigue ou de sommeil de mauvaise qualité sont souvent évoquées en relation avec l’Insuffisance Cardiaque elle-même (2-4). C’est pourquoi un dépistage utilisant des outils validés est la seule solution efficace pour objectiver une suspicion de TRS.
Le questionnaire de Berlin est le seul questionnaire de dépistage du Syndrome d’Apnées du Sommeil (SAS) validé dans la population générale (5). Il ne s’agit pas d’un auto-questionnaire, il doit être administré par un professionnel de santé. Il analyse trois symptômes : la somnolence, le ronflement et l’hypertension. Il possède une bonne sensibilité en population générale, mais son utilisation en cardiologie connaît des limitations : la « somnolence » peut être minimisée par peur de la sanction (chauffeurs routiers), non ressentie pour cause d’hyperactivité ou encore perçue comme normale en raison d’une comorbidité (insuffisance cardiaque, diabète…) ou d’un traitement. L’hypertension est une maladie très fréquente chez les personnes qui consultent les cardiologues. Enfin, le ronflement peut ne pas être connu si la personne vit seule. Dans tous les cas, son usage semble inadapté chez la personne âgée (6).
L’échelle d’Epworth est un auto-questionnaire d’objectivation de la Somnolence Diurne Excessive conçu pour évaluer l’amélioration clinique sous traitement. Il n’est pas recommandé de l’utiliser seul dans le dépistage du SAS, car la majorité des personnes ayant un SAS modéré à sévère ne rapportent pas de somnolence (54 %) (7), notamment parce que l’état de somnolence n’est pas toujours avoué/conscient.
Le dépistage objectif
L’oxymétrie nocturne est un moyen de dépistage du SAS désaturant (8), mais l’oxymétrie manque de sensibilité en cas d’apnées ou d’hypopnées peu désaturantes, et peut ainsi laisser passer quelques cas de faux négatifs. Les apnées centrales notamment peuvent être peu désaturantes, et fréquemment rencontrées chez les insuffisants cardiaques (9). Ce qui limite l’utilisation de l’oxymétrie seule en cardiologie.
Des outils alliant l’oxymétrie nocturne à une lunette nasale permettent d’augmenter la sensibilité et la spécificité du dépistage. Ainsi, des outils tels que l’ApneaLink Air combine 2 signaux (l’analyse du flux nasal et l’oxymétrie) pour calculer le risque de présence de TRS. Facile d’utilisation, l’ApneaLink Air est conçu pour une utilisation ambulatoire, et il permet en outre une détection de la Respiration de Cheyne-Stokes (10). La sensibilité et la spécificité de cet outil dépasse 90 % (11).
Le diagnostic et le traitement du Syndrome d’Apnées du Sommeil
Le diagnostic du SAS se fait par polygraphie ou par polysomnographie. La polygraphie ventilatoire est validée pour établir un diagnostic, car elle permet de différencier la nature centrale ou obstructive des événements respiratoires, et de prescrire un traitement par Pression Positive Continue ou orthèse d’avancée mandibulaire en cas de SAS obstructif, par ventilation auto-asservie en cas de SAS d’origine centrale.
La polygraphie ventilatoire est un acte médical, qui nécessite la pose du polygraphe au sein du cabinet médical, une relecture critique médicale des événements. La réalisation de polygraphie et la prescription d’un traitement nécessitent une formation pratique, afin que le cardiologue dispose des compétences nécessaires.
(1) Perk et al. European Heart Journal 2012; 33 : 1635-701
(2) Arzt et al. Arch Intern Med 2006; 166:1716-22
(3) Garrigue, Pépin et al. Circulation 2007 Apr 3; 115(13):1703-9
(4) Paulino et al. Arch Cardiovasc Dis 2009; 102:169
(5) Netzer et al. Ann Intern Med 1999;131 :485-91
(6) Sforza et al. Sleep Med 2011; 12(2):142-6
(7) Kapur et al. Sleep 2005; 28(4):472-77
(8) Williams et al. Chest 1991; 100:631-5
(9) Oldenburg O et al. Eur J Heart Fail 2007; 9(3):251-7
(10) Erman MK et al. J Clin Sleep Med 2007; 3:387-92
(11) Isakson SR et al. Sleep Diagnosis and Therapy 2008; 7(3):52-7
2. La place de la prise en charge du SAS dans la consultation d’un cardiologue libéral
3. La place du SAS dans les recommandations de cardiologie
Le dépistage ou la prise en charge des Troubles Respiratoires du Sommeil sont déjà intégrés dans plusieurs recommandations de société savantes de cardiologie françaises ou internationales :
Ainsi, le SAOS a été ajouté dans la liste des pathologies qui augmentent le risque de maladies cardiovasculaires dans les recommandations européennes de prévention du risque cardiovasculaire de la société européenne de cardiologie (1) : « La prise en charge de tous ces facteurs de risques semble envisageable même en l’absence d’étude randomisée ». « Tous les patients ayant un SAOS devraient avoir une évaluation médicale de leur risque, et une prise en charge. Recommandation de classe IIa, avec un niveau de preuve A et un grade élevé. »
La Société Européenne de Cardiologie dans ses recommandations de prise en charge de l’Insuffisance Cardiaque de mai 2012 (2) indique qu’un tiers des insuffisants cardiaques présentent des Troubles Respiratoires du Sommeil (TRS) et préconise également une recherche et un traitement des TRS et des désaturations associées.
L’American Heart Association et l’American Stroke Association ont publié en 2011 (3) une mise à jour des recommandations pour la prévention primaire des AVC. Ces recommandations reconnaissent les Troubles Respirations du Sommeil comme un facteur de risque modifiable, et concluent :
En raison de leur association avec d’autres facteurs de risques vasculaires et avec la morbidité cardiovasculaire, une évaluation des Troubles Respiratoires du Sommeil est indiquée, particulièrement en cas d’obésité abdominale, d’hypertension de maladies cardiaques ou d’hypertension artérielle résistante (recommandation de classe I, niveau de preuve A).
Le traitement du Syndrome d’Apnées du Sommeil pourrait être envisagé pour réduire le risque d’AVC, malgré le manque de connaissance sur son efficacité (recommandations de classe IIb, niveau de preuve C).
La Société Française d’Hypertension Artérielle, dans ses recommandations 2013 de prise en charge de l’Hypertension artérielle résistante (4) recommande un dépistage du SAS par oxymétrie polygraphie ou polysomnographie dans le cadre de la recherche d’une cause secondaire. Recommandation de classe 2, avec un grade B.
La Haute Autorité de Santé, dans son parcours de soins de l’insuffisance cardiaque publié en juillet 2014 (5) recommande un dépistage et une prise en charge du SAOS au titre d’une comorbidité pouvant être corrigée, permettant de faire régresser les signes de l’insuffisance cardiaque, et d’éviter les décompensations.
En juin 2008, la Fédération Internationale du Diabète a publié une déclaration de consensus sur les apnées du sommeil et le diabète de type 2 (6). Cette déclaration de consensus propose de dépister le SAOS chez les patients diabétiques de type 2 ayant des signes évocateurs : apnées rapportées par le conjoint, ronflements sonores et/ou fatigue diurne anormale, et devant une hypertension traitement. Ce consensus propose également le dépistage du diabète chez les patients ayant un SAOS.
1. Recommandations ESC 2012 prévention du risque CV
2. Recommandations ESC 2012 Insuffisance cardiaque
3. Recommandations AHA AVC
4. Recommandations SFHTA sur l’HTA résistante
5. Parcours de soins de la HAS dans l’insuffisance cardiaque
6. Déclaration consensus de la Fédération Internationale du Diabète